Voici, pour évoquer l’Instant en Trio, une chronique musicale de Dominique Cresson suite à un concert donné à l’Auditorium du Conservatoire de Brest :
« Quand la magie de l'instant est à la puissance 3, il y a de l'Instant en Trio dans l'air … Dimanche dernier à l'Auditorium, ils nous ont offert un concert, un vrai, c'est-à-dire, non pas seulement une séance à l'occasion de laquelle on exécute des morceaux de musique, mais bien un accord, une entente parfaite, un authentique ensemble. Le public ne s'y est pas trompé d'ailleurs. La qualité du silence était exceptionnelle. Nous étions tous tendus vers ces trois musiciens, plus messagers de Dvorak et Brahms que simples interprètes, si j'ose dire. N'est-ce pas la définition même du poète que d'être sensible, d'être « une voix répondant à une autre voix » ? comme le dit Virginia Woolf dans Orlando. Vous l'aurez compris, je ne peux, de ce fait, me faire l'écho de cet après-midi musical que sous la forme d'un autre concert, cette fois, de louanges.
Au programme donc, Dvorak et Brahms, habile et risqué à la fois, tant on a glosé sur les rapprochements de ces deux compositeurs, au désavantage de Dvořák dont on a souvent fait un sous-Brahms. Bien évidemment, l'Instant en Trio nous prouve non seulement le contraire, mais valorise la forte identité de chacun. Voilà des interprètes qui ont quelque chose à nous raconter sur les oeuvres qu'ils ont choisies et les doigts pour le dire. Leur profonde compréhension musicale les amène à conjuguer intimité, lyrisme, triste ou joyeux, sens de l'espace. Qu'elles soient méditatives ou exubérantes, les pensées chantent.
Il m'est impossible de vous dire auquel de ces trois instrumentistes va ma préférence tant la conversation de chacun est riche. La pianiste possède une merveilleuse finesse et une conduite des phrases d'une grande intelligence. Percutantes et tendres à la fois, ses mains sont des oiseaux, tantôt albatros, tantôt colibri. La générosité du violoncelliste Aldo Ripoche est séduisante. Apparente décontraction, virtuosité désintéressée, interprétation enflammée. Il nous conduit con brio vers des contrées inconnues. Quant à Jean-Marie Lions, le violoniste fondateur, on sent chez lui une vie intérieure intense et une profondeur indiscutable. Son vibrato est extrêmement chaleureux et sa virtuosité évidente s'exprime sans vanité. Mélange subtil de trois personnalités. Mais tous ont en commun une énergie maîtrisée et la faculté de transmettre leur bonheur de jouer, comme si c'était la première fois. Les attaques sont franches, la respiration ample, la pulsation juste …»